lundi 23 mai 2011

Anthony Graves a tenu bon grâce aux lettres d’un couple qu’il va rencontrer pour la première fois

L’histoire. Anthony Graves a tenu bon grâce aux lettres d’un couple qu’il va rencontrer pour la première fois

Jean-Paul Vulliez et Michèle Passieux ont ressorti les lettres d’Anthony Graves, jeudi, à Lyon / Photo RICHARD MOUILLAUD
Anthony Graves : « Ces lettres étaient un espoir d’humanité»

Sur les quais de la gare de la Part-Dieu, aujourd'hui 21 mai à Lyon, un grand gaillard du Texas se précipitera dans les bras de Jean-Paul, et, plus tard, dans ceux de Michèle. L’histoire d’une incroyable amitié, née à 9000 kilomètres de distance. Pour la première fois, Anthony Graves, rescapé du couloir de la mort aux États-Unis, et libéré à l’automne dernier, va rencontrer le seul couple français qui l’a soutenu sans relâche en lui écrivant pendant six ans. Son voyage a été payé par Amnesty Suède et l’ex-condamné à mort déclaré innocent après dix-huit ans d’incarcération, termine sa « tournée » de remerciement en Europe par Lyon, sa seule étape française. Il arrivera de Vichy avec Isabelle Perin, la cofondatrice de l’association de soutien « Mains unies pour la justice », qui l’avait visité plusieurs fois en prison. « Je suis allée le chercher à Paris, il est en pleine forme. C’était très drôle : on pouvait se toucher, il n’y avait plus cette glace entre nous, et il ne portait plus cet habit blanc, puis rayé » témoigne-t-elle au téléphone. Michèle et Jean-Paul vont héberger Anthony ce week-end dans leur appartement de Lyon, avant son retour lundi aux États-Unis. C’est à Lyon qu’ils nous ont reçus mercredi et jeudi matins, émus. « Oh, je me suis dit l’autre soir, « il y a encore ça que j’ai oublié de vous raconter ! » sourit Michèle en ressortant la bonne trentaine de lettres d’Anthony, précieusement conservée dans une chemise hermétique. Leur correspondance avait démarré début 2005 après une réunion publique de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, association opposée à la peine de mort. L’échange épistolaire s’est poursuivi sans arrêt depuis, au rythme d’une lettre tous les mois et demi environ. Michèle : « Je lui écrivais -en anglais- qu’il devait avoir un regard de sociologue pour tenir le coup. On lui posait des questions sur sa détention, et il y répondait. » Jean-Paul rajoutait quelques mots à lui. Il confie aujourd’hui : « Ce qui est terrible, c’est l’attente de la sentence, Anthony ne savait pas ce qu’il allait devenir, alors qu’il était innocent. On a crié de joie quand sa condamnation à mort a été cassée ». Les lettres du rescapé sont parfois écrites au stylo à bille, parfois au crayon à papier - humiliations infligées par les gardiens pour l’obliger à venir leur réclamer un taille-crayon. Il y raconte les réveils forcés à 3 heures du matin pour manger un sandwich, « la bouffe toujours froide », « les douches bouillantes », les cellules retournées sans raison par les surveillants… « Anthony détruisait nos courriers à mesure, pour éviter qu’ils ne soient utilisés contre lui par les gardiens » ajoute Michèle. « Ce n’est pas grave : ces lettres, elles sont dans son cœur. Il est notre ami et nous avons tellement hâte de le voir ! »
 
Nicolas Ballet
Le Progrès - 21 Mai 2011 

http://www.leprogres.fr/france-monde/2011/05/21/rescape-du-couloir-de-la-mort-au-texas-il-vient-a-lyon-pour-remercier-ses-amis